21 octobre 2006

Les quatre cents coups Introduction









Les quatre cents coups, c’est le premier long-métrage de Truffaut, jeune homme d’à peine 27 ans au moment de la sortie du film, celui qui le rend immédiatement célèbre.


C’est, avec A bout de souffle de Jean-Luc Godard, le film qui symbolisera la «Nouvelle Vague» alors naissante qui revendiquait le statut d'auteur pour les réalisateurs, un réalisme et une simplicité des films renforcés.


"Cherche un jeune garçon de douze à quatorze ans pour tenir un rôle dans un film de cinéma."
Ce sont les termes de l’annonce parue dans France soir en 1958 pour trouver l'acteur qui incarnera Antoine Doinel dans un film qui sortira l’année suivante et sera récompensé à Cannes.

Dans le film, cet Antoine Doinel est confronté au monde des adultes. C’est un jeune garçon dont les parents semblent se désintéresser. Son maître d’école est incapable de comprendre sa passion naissante pour la littérature. Antoine décide alors avec René, son meilleur ami, de s’adonner aux joies de l’école buissonnière. Après avoir surpris sa mère avec un amant il finit par fuguer, vole une machine à écrire, se fait pincer en la rapportant, échoue dans un centre d'observation pour mineurs délinquants dont il s'échappera pour aller découvrir la mer comme il se l’était promis.

Une histoire aux allures de fait divers puisé dans le réel.

Le film est produit par Ignace Morgenstern, beau-père de François Truffaut ( « Mon père avait de l’estime pour François et le trouvait intelligent, mais il n’avait pas été emballé par Les Mistons. Alors évidemment, il a produit Les quatre cents coups pour aider notre ménage, pour donner une chance au mari de sa fille de prouver qu’il était capable de faire des films » dira Madeleine Morgenstern-Truffaut, dans un entretien accordé à A. de Baecque et S. Toubiana).

Le budget est d’environ 47 millions, somme très nettement en retrait par rapport au coût d’un film de l’époque.

Le film est tourné en cinémascope noir et blanc. Une manière de styliser l’image, le récit étant âpre, dénué de sentimentalisme. De plus, et comme l’expliquera Truffaut, tourner en cinémascope n’était pas un luxe. Bien que les objectifs spéciaux soient plus chers, la largeur du scope permet de montrer plus et plus vite. En particulier dans l’appartement étriqué. Sans cela, le récit aurait été alourdi, l’image aurait paru plus sale, le film « pauvre ». Ce sont là les arguments mêmes de Truffaut pour le choix de l’écran large.










Henri Decae est aux commandes derrière la caméra et offre tout son art de la photo au jeune metteur en scène. Tant et si bien que son salaire est supérieur à celui de Truffaut.


Développé avec Marcel Moussy, le scénario est achevé à la fin de l’été 1958 et porte son titre définitif. Les autres titres imaginés furent : La fugue d’Antoine, Les quatre jeudis, L’âge ingrat, es enfants oubliés, Le vagabondage, Les vagabonds, Les enfants vagabonds, A bas la rentrée, Les mauvais génies.

Truffaut a soigneusement préparé son film, en s’entourant de conseils de spécialistes de l’enfance pour éviter comme il le dit lui-même le danger « d’une confession geignarde et complaisante. »
Des dizaines enfants répondirent à l’annonce de France-Soir pour le rôle d’Antoine Doinel et plusieurs centaines furent auditionnés.

C’est Jean-Pierre Léaud qui fut retenu. Fils d’un père scénariste et d’une mère comédienne, lui aussi s’entendait mal avec ses parents.

Il avait déjà fait une apparition au cinéma, aux côtés de Jean Marais.

Ses bouts d’essai sont extraordinaires. Ceux qui les ont vus ne peuvent être que stupéfaits par sa gouaille et sa présence devant la caméra. Sa farouche volonté d’être engagé pour le rôle sont évidents. Il est l’Antoine Doinel que souhaite Truffaut. Il le sera bien plus encore que le réalisateur et lui-même et ne pouvaient alors l’imaginer.

Cette première apparition de Jean-Pierre Léaud dans le rôle d’Antoine Doinel, acteur avec lequel François Truffaut entretiendra une relation particulièrement forte, ne sera en effet pas la dernière.

Un véritable cycle des aventures d’Antoine Doinel naîtra (suivront en effet Antoine et Colette, Baisers volés, Domicile conjugal et L’amour en fuite).

Unique exemple de collaboration entre un réalisateur et un acteur autour d’un personnage en évolution sur de nombreuses années. Truffaut/Leaud/Doinel ou le cinéma comme art d’initiation à la vie d’homme.











L’ombre d’André Bazin, grande figure de la critique cinématographique et « père adoptif » de Truffaut, plane sur le film qui lui est dédié. Bazin encouragea le jeune Truffaut à écrire sur le cinéma en l’introduisant auprès des équipes des Cahiers du cinéma et d’Arts.

Or, André Bazin meurt d’une leucémie le premier jour du tournage. Ceci explique sans doute la noirceur du film.

Comme le remarquent de Baecque et Toubiana dans leur ouvrage sur Truffaut, « tandis qu’un personnage de fiction est en train de naître, le vrai père disparaît.»

Commencé en novembre 1958, le tournage du film s’achève le 4 janvier 1959.

C’est Jean Constantin qui compose une partition simple et sensible. La musique du générique est à mon sens proche de la perfection.

Les réactions aux premières projections seront excellentes.

Le comité du festival de Cannes sélectionnera le film pour représenter la France aux côtés d’Orfeu Negro et d’Hiroshima mon amour.
A l’issue de la projection cannoise, ce sera le triomphe pour l’équipe du film.
















Paris-Match parlera du « festival des enfants prodiges », le magazine Elle écrira «Jamais le festival n’a été si jeune, si heureux de vivre pour la gloire d’un art qu’aime la jeunesse. Le XIIème festival du film a le grand honneur de vous annoncer la renaissance du cinéma français.»










Les quatre cents coups obtiendra le Prix de la mise en scène.


Avant même d’être distribué dans les salles, le film a rapporté le double de son budget par ses ventes à l’étranger.

La reconnaissance est quasi-unanime, la fréquentation dans les salles sera au rendez-vous.

Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître.

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