31 octobre 2006

Rio Bravo, l'image du coach

Pour le plaisir, une vidéo extraite du film



Dean Martin & Ricky Nelson


L'histoire : un shérif isolé qui ne peut compter que sur son adjoint infirme, un ami devenu alcoolique et un jeune pistolero pour affronter une bande de tueurs, finira par affronter un péril encore plus grand : l'amour!



































Howard Hawks, génial réalisateur du film











Rio Bravo
est, paraît-il, la réponse du réalisateur Howard Hawks et de la légende du western John Wayne au film Le train sifflera trois fois.

L'affiche du Train...

















Les deux compères estimaient qu'un shérif n'avait pas à chercher de l'aide auprès des citoyens qu'il était censé protéger.

Hawks dira carrément :

"Je ne pensais pas qu'un bon sherif se comporterait comme une poule décapitée tournant autour d'un village en criant à l'aide pour qu'au final ce soit sa femme Quaker qui le sauve."

La dernière scéne du film de Zinnemann ( celle où Gary Cooper jette son étoile à terre et quitte la ville) était, selon Wayne carrément antiaméricaine !

Nous sommes loin encore - en apparence - des westerns crépusculaires et magnifiques que Clint Eastwood réalisera à partir des années '70 (Je reviendrai à Eastwood bien sûr).

Et pourtant, est-il possible de parler western sans songer à Rio Bravo?

Le casting est excellent, avec aux premiers rangs :
John Wayne, dans le rôle de John T.Chance, shérif de la ville;
Dean Martin, dans celui de Dude, un homme brisé par un chagrin d'amour;
Walter Brennan, le fidèle Stumpy, adjoint du shérif et "grande gueule" (l'un des plus beaux personnages de second rôle du cinéma américain).

Brennan









On peut dire de Rio Bravo qu'il s'agit d'un western urbain: tout est filmé dans la ville, pas de grands espaces, le spectateur y est emprisonné comme le sont les protagonistes du film.

Il est émaillé de belles scènes de bagarres, des fusillades comme il sied au genre.

Mais Rio Bravo, c'est surtout du cinéma filmé à hauteur d'hommes, des types fidèles en amitié, à qui on ne la fait pas et qui tombent pourtant dans tous les pièges, en particulier ceux de l'amour. Bref, du cinoche, du vrai, tel qu'aimaient à en faire des réalisateurs comme Hawks, Ford ou Mann.

Il suffit d'ailleurs de laisser parler Hawks à ce sujet :

"La meilleure manière de raconter une histoire au cinéma est de la filmer comme on la voit. Partez de vos yeux. Laissez le public voir les choses comme s'il était là. La plupart du temps, ma caméra reste au niveau du regard. De temps en temps, elle se déplace comme si un homme marchait et découvrait quelque chose. Sinon, elle peut avancer ou reculer pour mettre en avant un élément du cadre sans faire de coupe. A part ça, ma mise en scène est la plus simple du monde."


Rio Bravo, c'est surtout l'histoire d'une rédemption comme le cinéma américain en a le secret.

Cette rédemption, c'est celle de Dude, alcoolique humilié par tous et auquel John Chance prend le pari - risqué - d'offrir sa... chance.

Chance croit plus en Dude que Dude lui-même ne croit en lui. Il sait qui est cet homme, quel fut son passé et quel peut être son avenir.

Rappelons-nous que le premier grand film de Wayne fut La chevauchée fantastique dont le titre original est Stagecoach, film dans lequel des personnes confinées dans un endroit clos apprennent à vivre ensemble, à se connaître et finalement à se respecter.

Si l'on sait que l'une des origines du mot coach puise à cette source (celui qui permet au coaché d'aller d'un point à un autre, de mener son projet à bien, celui qui transforme les obstacles en opportunités et sait déceler les talents, les ressources parfois enfouies...), il est amusant de tracer le parallèle jusqu'à Rio Bravo, à mon avis sommet de la carrière de Wayne, tout juste 20 ans plus tard.

Qu'est donc le personnage joué par Wayne et appelé Chance sinon un coach, en particulier celui de Dude?

En lui offrant sa chance et en lui imposant le respect de lui-même, en pariant sur ses ressources, en lui témoignant sa profonde amitié, en laissant éclater sa colère quand c'est nécessaire, en manifestant ses sentiments, il passe en revue de nombreuses caractéristiques qui sont celles des meilleurs coachs. Rappelons-nous également que Chance cherche des gars motivés pour travailler avec lui. Là encore, même posture qu'un coach.

Et ce n'est sans doute pas un hasard.

Il me semble que le meilleur du western, j'entends par là de tous les westerns, traite de ce thème de la rédemption, du respect, de l'ouverture à l'autre, d'une découverte.

Les plus grands westerns ne traitent-ils pas tous de la rupture, de cycles, de changements, d'évolution, de conflits entre l'ancien et le nouveau, etc...?

Hawks ne dit d'ailleurs rien d'autre en déclarant :

"Laissez les personnages raconter l'histoire pour vous. Ne vous souciez pas de l'intrigue. Moi, je ne le fais pas. Tout vient de la manière dont les personnages sont définis et évoluent. Dans Rio Bravo, beaucoup de choses arrivent simplement parce que
John Wayne est le temoin des efforts de son amis pour se reprendre. Vous noterez que quasiment tous les personnages masculins de mes films traversent des périodes de crise. Ensuite, ils doivent reprendre leur vie en main. C'est un sujet d'écriture passionnant."

Coach moi-même, je suis évidemment très sensible à cette particularité de ce genre cinématographique.

Je crois qu'Eastwood avait saisi cela il y a bien longtemps et qu'il fut d'ailleurs attristé que les "classiques" ne voient dans ses réalisations (Josey Wales, Pale Rider et Impitoyable pour ne parler que des westerns) qu'une attaque en règle des anciens canons du genre.
Sans doute a-t-il défriché de nouveaux chemins, mais tous ses films ne parlent-ils pas eux aussi le langage de la rédemption ? Et pour ce qui est de la posture de coach, il n'y a aucun doute.

J'en reparlerai en évoquant cet immense réalisateur et acteur dans une fiche spéciale.


En me promenant sur AlloCiné, j'ai appris que Howard Hawks a reconnu s'être inspiré des Nuits de Chicago de Josef von Sternberg pour le tournage de Rio Bravo. Il y a repris le nom de son personnage féminin Feathers, interprété ici par Angie Dickinson et l'idée du dollar jeté dans le crachoir.

Rio Bravo
a été tourné en extérieur à Old Tucson dans l'Arizona.
Les décors du film y ont été construits dans des dimensions légèrement réduites par rapport à la taille normale pour que les personnages apparaissent de manière plus imposante.

Howard Hawks a filmé deux variations autour de Rio Bravo.

Dans El Dorado, John Wayne incarne un tueur solitaire qui vient prêter main forte à un vieil ami sherif qui connaît des problèmes d'alcools interprété par Robert Mitchum.


















Dans Rio Lobo, Howard Hawks réadapte une nouvelle fois certaines des séquences des deux films précédents. John Wayne y tient à nouveau le rôle principal.


















Certaines scènes prévues initialement dans le scénario de Rio Bravo mais abandonnées au tournage ont été reprises pour El Dorado.

Rio Bravo, considéré par beaucoup comme un chef d'oeuvre est un film souvent cité ou repris par les réalisateurs.

Ainsi, les personnages de Who's that knocking at my door ? de Martin Scorsese font référence au film tout comme ceux du Mépris de Jean-Luc Godard.

Assaut
de John Carpenter est un remake non officiel mais avoué de Rio Bravo. Le metteur en scène s'est d'ailleurs crédité au montage du film du nom de John T. Chance.

Jean Tulard accorde 4 étoiles à ce film de 1959 dans son dictionnaire du cinéma.


































Cliquez sur l'image pour voir la fiche Wikipédia













La fiche du ciné-club de Caen et quelques photogrammes du film

Connaissez-vous le site "Libre savoir" ?
Lisez l'intéressant article sur Rio Bravo qui y est publié en cliquant sur le logo.








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